Jean-Sylvestre Mongrenier : Djibouti et le "monde des émergents"

Le 2 juillet 2012, des firmes chinoises et turques signaient un accord sur la construction d'une ligne ferroviaire entre l'Ethiopie et le port djiboutien de Tadjourah. Dans les semaines à venir, des intérêts chinois devraient se voir confier la future ligne entre la capitale de l'Ethiopie, Addis-Abeba, et le port de Djibouti. L'affirmation de Djibouti comme " hub " global, à la croisée de l'Afrique de l'Est et du grand axe maritime Europe-Asie, se fait en liaison avec le "monde des émergents".

Au vrai, il y a longtemps que Djibouti est la porte de l'Ethiopie – Henry de Monfreid évoquait le fait – mais l'indépendance de l'Erythrée et la fermeture du port d'Assab d'une part, les déchirements de la Somalie et la marginalisation du port de Berbera d'autre part, ont donné une autre ampleur à la chose. Ce sont près des neuf dixièmes des échanges extérieurs de l'Ethiopie qui transitent par le port de Djibouti. Sur cette base, les dirigeants de la cité-Etat ont décidé, au début des années 2000, d'en faire un "main port", c'est à dire un port de transbordement et d'éclatement des flux.

Pour donner forme à cette ambition, la gestion du Port autonome international de Djibouti (PAID) a été confiée à Dubaï Ports World. L'aire originelle du PAID étant saturée, un autre site a été investi, celui de Doraleh, une dizaine de kilomètres à l'ouest. Un terminal pétrolier, un port sec et un terminal à conteneurs y ont été implantés. Un troisième site est en cours de construction, celui de Tadjourah, dans le pays Afar, avec l'Ethiopie à l'arrière-plan. Sur la décennie, le trafic maritime a doublé et le nombre de conteneurs traités en 2012 devrait être d'un million d'EVP (Equivalent Vingt Pieds).

Les accords ferroviaires, récents et à venir, amplifieront cette croissance. Alors que les Français sont historiquement à l'origine du port comme de la ligne Djibouti/Addis-Abeba, la poussée des "émergents" dans la zone est hautement significative. Ainsi, le 2 juillet dernier, l'Ethiopie a signé avec deux groupes chinois (China Railway Engineering Corporation, China Civil Engineering Construction Corporation) et un groupe turc (Yapi Merkezi) les contrats sur la construction d'une ligne vers le port de Tadjourah, tourné vers l'exportation de potasse. Dans les semaines à venir, la Chine pourrait enfin emporter la nouvelle ligne Djibouti/Addis-Abeba, les projets européens n'ayant pu aboutir.

La présence chinoise ne se limite pas à l'ingénierie et au BTP. Les investissements en Ethiopie se portent dans l'industrie textile, le cuir, l'automobile ou encore l'hôtellerie. Djibouti est le point d'entrée d'une Afrique de l'Est en cours de désenclavement, avec une possible extension de l'hinterland portuaire vers l'Afrique centrale et les Grands Lacs. Au-delà, le projet d'une interconnexion entre Djibouti et Dakar qui doublerait le canal de Suez, est esquissé. Déjà, Pékin a proposé de moderniser la ligne Dakar/Bamako/Ouagadougou. Ce sont là quelques éléments de la grande stratégie chinoise mise en oeuvre sur les réseaux de communication qui relient la façade maritime asiatique à l'Europe.

Investisseurs et exportateurs turcs sont aussi très actifs sur les rives de la mer Rouge, longtemps un "lac" turco-arabe, comme dans la Corne de l'Afrique. Là encore, la présence est multiforme et Addis-Abeba est le lieu d'un important forum commercial organisé par le patronat turc. Cette percée est renforcée par une sorte de diplomatie religieuse, tant publique et privée. En novembre 2011, Istanbul accueillait ainsi le "Second sommet africain des leaders religieux musulmans", organisé par la Direction des Affaires religieuses de Turquie. L'Ethiopie comme Djibouti y étaient représentées. Sur le plan scolaire, la confrérie Gülen est présente dans la zone. C'est sur de telles dynamiques que la diplomatie multivectorielle turque s'articule et se déploie.

L'affirmation du "monde des émergents" et le grand désenclavement de l'Afrique sont autant d'opportunités pour Djibouti. De fait, la cité-Etat est l'un de ces points où l'on peut prendre le pouls du monde et l'exercice met en évidence des phénomènes qui auront leurs prolongements géopolitiques. Aussi faudra-t-il s'y intéresser plus encore.

Sud-Soudan: des jeunes exilés rentrent pour construire leur pays

D'Australie où elle comptait faire sa vie, Suzy Cagai, 25 ans, est revenue il y a un an dans son Soudan du Sud natal, devenu indépendant. Elle a lâché une vie confortable pour participer à la construction de son nouveau pays.
Son histoire est celle de nombreux compatriotes de son âge, qui n'ont connu que l'exil en raison de la longue guerre civile entre la rébellion du sud et l'armée de Khartoum.
Suzy est partie à deux ans avec sa mère, ses trois frères et sa soeur vers l'Ethiopie, puis le Kenya. Elle a 16 ans lorsque toute la famille s'installe à Perth, en Australie, où elle décroche un diplôme universitaire en relations publiques.
Elle n'était jamais revenue au Soudan du Sud avant juillet 2011, quelques jours après la proclamation de l'indépendance, pour ce qu'elle croit être une simple visite à son père malade.
"Je vivais une vie australienne normale. Je me voyais m'installer avec un compagnon, me marier, avoir des enfants, trouver un endroit où vivre et payer les traites", sourit-elle.
A Juba, "j'ai ressenti un sentiment d'appartenance, peut-être pour la première fois. C'était irrésistible", poursuit-elle. Auparavant "nous n'avions pas de pays. Nous étions tous exilés à travers le monde". Suzy dit s'être "attachée" à Juba où elle monte une société d'organisation d'évènements avec son amie et compatriote Nyidhal Dhol, 24 ans, sa voisine à Perth, revenue presque en même temps.
Elle ajoute connaître une centaine de jeunes Sud-Soudanais, de 18 ans à la trentaine, tous diplômés, rentrés dans un pays que, pour la plupart, ils n'ont jamais connu, afin de prendre part à son histoire naissante.
Parmi eux, Nyanuir Joseph Ayom, 30 ans, a passé sa vie à Londres. Elle était revenue au Soudan du Sud simplement pour assister aux célébrations de l'indépendance, le 9 juillet 2011.
"Pour la première fois, j'appartenais à un pays (...) je me sentais chez moi", raconte celle qui avait quitté le Sud du Soudan à un an. Le choix de rester à Juba "est un défi. Je prévoyais d'ouvrir une affaire là-bas (à Londres), c'est mieux de le faire ici", dit-elle.
Ajou Deng, 33 ans, est aussi rentré l'an dernier, à l'issue d'une carrière de basketteur professionnel en Europe. "C'est très important que les gens de l'extérieur reviennent ici. Ils sont diplômés et il est évident que le pays a besoin d'eux", estime ce diplômé d'une université américaine, désormais salarié d'une entreprise de construction.
"L'environnement est difficile. Mais on n'y pense pas négativement, on regarde ce qu'il y a à faire", explique Ajou, un temps pressenti pour l'équipe nationale britannique. Son frère cadet Luol Dueng, star de l'équipe américaine des , jouera sous les couleurs britanniques aux JO.
"C'est très différent de l'Occident. Il n'y a rien, mais il y a énormément d'opportunités. Vous voyez tout grandir", ajoute-t-il.
Choc culturel, infrastructures inexistantes, climat rude: les débuts sont parfois difficiles et les défis nombreux.
"le pire endroit pour tomber amoureux"
Nyanuir se souvient avoir pleuré en arrivant. "Il faisait trop chaud, les gens étaient mal polis, les routes mauvaises"... mais "je m'attendais à pire", rit-elle. Ce qui lui manque le plus? "le shopping et la vie sociale". Ses copines approuvent en riant. Le confort "nous manque parfois, mais on réalise qu'on peut vivre sans", assure néanmoins Suzy.
Achan D'Awol, 23 ans a suivi son père diplomate de par le monde, notamment en Norvège où elle a vécu six ans, avant de rentrer l'an dernier. Elle déplore qu'il faille ici "vivre selon les normes sociales locales, selon ce que les gens attendent de vous et non comme vous voulez être".
"Ce que je n'aime pas ici c'est que l'avis des femmes ne compte pas", renchérit Nyanuir, et "c'est le pire endroit pour tomber amoureux. Les hommes n'ont aucun respect pour les femmes". "Avec le temps cela va changer. Notre génération à la capacité de changer tout cela", assure Nyanuir.
Tous disent vouloir rester le plus longtemps possible, mais chacun sait qu'une vie de famille est difficile à Juba. "Sur l'avenir, je suis partagée à 50/50. Je veux rester ici. En tant que célibataire, ça ne me pose pas de problème", explique Cathy.
"Mais si j'ai des enfants, il me faudra y réfléchir à deux fois. Parce que je veux que mes enfants aient une bonne et des soins médicaux". Deux choses introuvables à Juba à l'heure actuelle.


Le Parisien citant l' 

Djibouti : des recherches de pétrole et de gaz « très encourageantes »


Djibouti : des recherches de pétrole et de gaz « très encourageantes »

(Agence Ecofin) - Par la voix de son directeur général, Shaji Ravindra, la société Oyster a indiqué que les premiers résultats des recherches de pétrole et de gaz menées à Djibouti sont « très encourageants ». 

« Quatre mois après le début des travaux sur différents sites situés au nord et au sud du territoire djiboutiens, nous sommes venus remettre aujourd'hui au ministre les premiers résultats de cette première phase de recherches de pétrole et de gaz dans lesquels nous affirmons avec insistance des résultats très encourageants sur plusieurs sites », a déclaré M. Ravindra. 

Le ministre djiboutien de l’Energie et de l’Eau, Fouad Ahmed Aye a reçu le rapport des mains de Shaji Ravindra ce mercredi. 

La phase suivante des recherches consistera à une exploration en haute mer par des navires spécialisés.