D'Australie où elle comptait faire sa
vie, Suzy Cagai, 25 ans, est revenue il y a un an dans son Soudan du Sud
natal, devenu indépendant. Elle a lâché une vie confortable pour
participer à la construction de son nouveau pays.
Son histoire est
celle de nombreux compatriotes de son âge, qui n'ont connu que l'exil en
raison de la longue guerre civile entre la rébellion du sud et l'armée
de Khartoum.
Suzy est partie à deux ans avec sa mère, ses
trois frères et sa soeur vers l'Ethiopie, puis le Kenya. Elle a 16 ans
lorsque toute la famille s'installe à Perth, en Australie, où elle
décroche un diplôme universitaire en relations publiques.
Elle
n'était jamais revenue au Soudan du Sud avant juillet 2011, quelques
jours après la proclamation de l'indépendance, pour ce qu'elle croit
être une simple visite à son père malade.
"Je vivais une vie
australienne normale. Je me voyais m'installer avec un compagnon, me
marier, avoir des enfants, trouver un endroit où vivre et payer les
traites", sourit-elle.
A Juba, "j'ai ressenti un sentiment
d'appartenance, peut-être pour la première fois. C'était irrésistible",
poursuit-elle. Auparavant "nous n'avions pas de pays. Nous étions tous
exilés à travers le monde". Suzy dit s'être "attachée" à Juba où elle
monte une société d'organisation d'évènements avec son amie et
compatriote Nyidhal Dhol, 24 ans, sa voisine à Perth, revenue presque en
même temps.
Elle ajoute connaître une centaine de jeunes
Sud-Soudanais, de 18 ans à la trentaine, tous diplômés, rentrés dans un
pays que, pour la plupart, ils n'ont jamais connu, afin de prendre part à
son histoire naissante.
Parmi eux, Nyanuir Joseph Ayom, 30 ans, a
passé sa vie à Londres. Elle était revenue au Soudan du Sud simplement
pour assister aux célébrations de l'indépendance, le 9 juillet 2011.
"Pour
la première fois, j'appartenais à un pays (...) je me sentais chez
moi", raconte celle qui avait quitté le Sud du Soudan à un an. Le choix
de rester à Juba "est un défi. Je prévoyais d'ouvrir une affaire là-bas
(à Londres), c'est mieux de le faire ici", dit-elle.
Ajou Deng, 33
ans, est aussi rentré l'an dernier, à l'issue d'une carrière de
basketteur professionnel en Europe. "C'est très important que les gens
de l'extérieur reviennent ici. Ils sont diplômés et il est évident que
le pays a besoin d'eux", estime ce diplômé d'une université américaine,
désormais salarié d'une entreprise de construction.
"L'environnement
est difficile. Mais on n'y pense pas négativement, on regarde ce qu'il y
a à faire", explique Ajou, un temps pressenti pour l'équipe nationale
britannique. Son frère cadet Luol Dueng, star de l'équipe américaine des
Chicago Bulls, jouera sous les couleurs britanniques aux JO.
"C'est
très différent de l'Occident. Il n'y a rien, mais il y a énormément
d'opportunités. Vous voyez tout grandir", ajoute-t-il.
Choc culturel, infrastructures inexistantes, climat rude: les débuts sont parfois difficiles et les défis nombreux.
"le pire endroit pour tomber amoureux"
Nyanuir
se souvient avoir pleuré en arrivant. "Il faisait trop chaud, les gens
étaient mal polis, les routes mauvaises"... mais "je m'attendais à
pire", rit-elle. Ce qui lui manque le plus? "le shopping et la vie
sociale". Ses copines approuvent en riant. Le confort "nous manque
parfois, mais on réalise qu'on peut vivre sans", assure néanmoins Suzy.
Achan
D'Awol, 23 ans a suivi son père diplomate de par le monde, notamment en
Norvège où elle a vécu six ans, avant de rentrer l'an dernier. Elle
déplore qu'il faille ici "vivre selon les normes sociales locales, selon
ce que les gens attendent de vous et non comme vous voulez être".
"Ce
que je n'aime pas ici c'est que l'avis des femmes ne compte pas",
renchérit Nyanuir, et "c'est le pire endroit pour tomber amoureux. Les
hommes n'ont aucun respect pour les femmes". "Avec le temps cela va
changer. Notre génération à la capacité de changer tout cela", assure
Nyanuir.
Tous disent vouloir rester le plus longtemps possible, mais
chacun sait qu'une vie de famille est difficile à Juba. "Sur l'avenir,
je suis partagée à 50/50. Je veux rester ici. En tant que célibataire,
ça ne me pose pas de problème", explique Cathy.
"Mais si j'ai des enfants, il me faudra y réfléchir à deux fois. Parce que je veux que mes enfants aient une bonne
éducation et des soins médicaux". Deux choses introuvables à Juba à l'heure actuelle.
Le Parisien citant l'