Des élections sans suspense en Ethiopie

image: http://s1.lemde.fr/image/2015/05/25/768x0/4639944_7_9c12_une-femme-vote-le-24-mai-a-addis-abeba_ad2e803154788e38ce9589c14b1634cb.jpg
Une femme vote, le 24 mai à Addis Abeba.
Le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique organisait dimanche les cinquièmes élections générales depuis l’instauration du régime fédéral en 1995 et les premières depuis la mort de Mélès Zenawi, l’architecte du développement éthiopien. Les opposants ont dénoncé des irrégularités lors du scrutin, que la coalition au pouvoir réfute.
Des millions d’Éthiopiens se sont levés dès l’aurore dimanche 24 mai pour élire les députés de la chambre des représentants du peuple ainsi que les assemblées régionales. Depuis vingt-quatre ans, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF) domine le paysage politique. En 2010, il avait raflé 99,6 % des sièges du parlement. Cette année encore, la coalition au pouvoir devrait remporter haut la main le scrutin.
« Je vote pour le développement de mon pays, donc je vote EPRDF », confie Bekene Tedene, 19 ans, en faisant la queue pour aller voter dans le quartier Bole d’Addis Abeba. À ses côtés, une trentaine d’athlètes de l’académie sportive Tirunesh Dibaba, vêtus de leurs vestes de jogging aux couleurs de l’étendard éthiopien, votent pour la première fois. Il y a quelques semaines, un représentant de la coalition au pouvoir est venu en personne dans leur école pour parler des élections. Mulualem Alemu, veuve de 60 ans, a également donné sa voix à l’EPRDF qui s’investit pour l’amélioration de sa vie quotidienne, pense-t-elle, même si ses six enfants, eux, ont quitté le pays pour vivre à l’étranger.

L’opposition, minée par des querelles internes

Pendant toute la campagne, les abeilles, le logo de la coalition au pouvoir, étaient omniprésentes face à une opposition presque invisible. Lors de grands meetings, l’EPRDF a rappelé les progrès accomplis depuis leur arrivée au pouvoir : une croissance économique à deux chiffres, de gigantesques projets de développement et des aides pour les agriculteurs qui représentent plus de 80 % de la population. L’opposition, elle, est minée par des querelles internes. Et pointe des méthodes d’intimidation à l’encontre des militants.
Addis Abeba a voté dans le calme sous le regard tendu des forces de sécurité qui étaient massivement déployées aux alentours des bureaux de vote.
Les partis d’opposition, eux, ont dénoncé de nombreuses irrégularités lors du scrutin, moins à Addis Abeba que dans les autres régions d’Ethiopie. « Nos observateurs ont été victimes de pressions par des membres de l’EPRDF », a déploré Wondwossen Teshome, le porte-parole du parti démocratique éthiopien (EDP), en fin de journée. Dans certaines régions du pays, des adhérents du plus jeune parti d’opposition, Semayawi, qui devaient observer les élections ne sont pas venus « par peur de représailles ».
C’est en tout cas ce qu’a affirmé son porte-parole Yonathan Tesfaye. D’autres auraient subi des violences et des intimidations avant le scrutin. De son côté, Beyene Petros, porte-parole de la coalition Medrek, le deuxième parti en nombre de candidats, soupçonne lui aussi des fraudes électorales. L’Union africaine était le seul observateur international présent en Ethiopie : 59 personnes étaient chargées de surveiller les 45 000 bureaux de vote du pays. Présente aux élections de 2010, l’Union européenne n’a pas été invitée pour contrôler ce scrutin.

« Une vaste mascarade »

« Nous ne sommes que des alibis, peste Beyene Petros. Le gouvernement se sert des élections et des opposants pour prouver à la communauté internationale que l’Ethiopie est une démocratie mais c’est une vaste mascarade. » Le porte-parole de l’EPRDF, Desta Tesfaw, a réfuté toutes les accusations d’une opposition qui n’a pas présenté de preuves pour le moment. « C’était un grand jour pour notre peuple, a-t-il affirmé. Le processus électoral a été pacifique et démocratique. »
Lors d’une interview accordée à Al Jazeera vendredi 22 mai, le premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn a affirmé que la démocratie ne se réduisait pas aux élections. Dans un rapport publié le même jour, Amnesty International a dénoncé les attaques à l’encontre des droits humains précédant le scrutin. « Le gouvernement a travaillé dur afin de verrouiller la situation politique : les opposants ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Mais pour améliorer son image auprès de la communauté internationale, il a tout intérêt à ouvrir quelques places au parlement », analyse Jean-Nicolas Bach, chercheur au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) à Sciences Po Bordeaux.
En fin de journée, dimanche, la Commission électorale nationale (NEBE) a annoncé un taux de participation de 85 % des 36,8 millions de personnes inscrites sur les listes électorales. Dans certaines universités, les élections ont été prolongées au lundi 25 mai à cause d’une pénurie de bulletins de vote. Les résultats préliminaires seront annoncés dans les prochains jours.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/05/25/des-elections-sans-suspense-en-ethiopie_4639945_3212.html#ECOXJmKx3ihKUP9w.99

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire